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20 janvier 2021 3 20 /01 /janvier /2021 16:58

Et c’est parti, chacun dit la sienne, les rires fusent, la bouteille de coco rend l’âme, mais pour la bonne cause.
Le plan de bataille s’échafaude, mais il faut agir en plein jour ce qui complique nos interventions.
Midi moins le quart le père Fuentes boucle son atelier, il porte une bonbonne en verre de vingt litres de vin, offerte ce matin même par un viticulteur reconnaissant pour le travail effectué sur son matériel. Il la dépose dans la benne de sa Juvaquatre camionnette, ce qui n’était pas prévu dans nos plans.
Il traverse la rue d’Arzew pour rejoindre le Sphinx la brasserie située à l’angle de la rue de Lourmel, pour s’installer au bar qui regorge de kémia de toutes sortes.
En bon professionnel il va réparer une bouteille d’anisette avec ses copains tout en dégustant des moules, des sardines à l’escabèche, des beignets,des tramoussos, des torraicos et toutes les délicieuses petites choses qui tombent sous la main.
Comme ces amuses gueules sont bien relevées, elles attisent la soif, les tournées de Gras ou de Limiñana vont bon train et le patron, bon commerçant, n’hésite pas à mettre la sienne.
Les conversations deviennent un brouhaha indescriptible, car le ton monte avec le nombre de verres.
Nous avons donc largement le temps d’agir mais cette fois c’est toute la bande qui est là, car il est bientôt midi et il y a pas mal de monde dans la rue.
A la queue leu leu, nous formons un train qui slalome entre les véhicules en stationnement de temps en temps nous tournons un peu plus au tours d’une voiture et le train repart tel le bouyouyou qui rallie Oran à Hammam Bou Adjar.
Arrivés devant la Juvaquatre la ronde recommence et pendant que les copains font un rideau devant la camionnette Georges et moi nous glissons sous les pneus avant une planche appuyée sur une briquette, Robert soulève les clavettes du hayon arrière et les met en équilibre sur le rebord de la fente, Marcel enfonce avec vigueur une énorme pomme de terre dans le pot d’échappement.
Mission accomplie, le train repart et arrivé devant la quatre chevaux de José, grande surprise, les deux pneus arrières sont à plat, elle est garée en queue de la station de taxis et les bons chauffeurs ont du sévir.
- Marcel, à table !
La maman de Marcel met fin au train qui se disloque, une partie de l’équipe regagne le foyer, il est midi trente c’est la sacro-sainte heure du repas.
Georges, Robert, et moi nous allons chez Bernard, il a un beau balcon qui surplombe les lieux du délit. Nous nous installons pour assister à la séance, accroupis pour ne pas être trop visibles et donner des idées aux deux protagonistes.
Monsieur Fuentes arrive le premier, il a l’air tout guilleret et sifflote "étoile des neiges", le pas n’est pas très bien assuré, ce qui laisse supposer que les rafales d’anisette ont du crépiter très fort.
Il s’y reprend à deux trois fois pour glisser la clé dans la serrure de la Juvaquatre, il s’installe au volant en rebondissant sur son gros popotin histoire de bien se caler sur le siége.
José arrive à son tour, le pas bien détaché, lui n’a pas la démarche chaloupée du père Fuentes, les attentes amoureuses engourdissent moins que l’anis.
La première de la Juvaquatre est enclenchée, un coup de démarreur le véhicule tressaute et explose,comme un coup de canon, les clavettes en équilibre tombent et laissents’ouvrir les ridelles et le hayon arrière, la bonbonne de vin secouée, roule et s’écroule avec fracas sur le sol, répandant le doux nectar rouge de la plaine de Mascara.
Fuentes révulsé, s’expulse de son véhicule au moment ou José arrive devant le sien.
- Tu m’as pas fait ça José ?
- Putain mes pneus, tu m’as pas fait ça Fuentes ?
- T’as vu ou t’es garé, sur la station.
- Non c’est pas eux ?
- Et qui tu veux que se soit ? Je les ai vu faire des dizaines de fois.
- Allez-viens on va s’expliquer avec ses tchumberos.
-Regarde ma camionnette, le pot d’échappement éclaté comme une pastèque, et le vin, vingt litres d’une pure merveille pour saouler… la rigole….me cago la leche , viens, ils vont nous le payer…..

Aquarelle Georges Devaux


Nous sommes morts de rire derrière la rambarde du balcon, et du monde au balcon c’est pas ce qui manque car l’explosion à attiré les curieux.
José et Fuentes, à grandes enjambées, atteignent la tête de station, et sans piper mot, frappent, les chauffeurs qui n'ont rien compris répliquent, les autres chauffeurs garés devant le Cyrnos, viennent prêter mains fortes à leurs collègues, mais des copains à José et au père Fuentes débaroulent du Sphinx et de l’Oasis, c’est une
saragata sans nom, les coups pleuvent de tous côtés, coups de tête, coups de genou dans le système trois pièces, nez en sang, directs, uppercuts, coups de pied, la baroufa prend de l’ampleur, des dizaines de badaux entourent les protagonistes, certain essaient de les séparer mais comme ils prennent eux aussi des marrons, ils entrent à leur tour dans la bagarre.
Certain roulent par terre, mais continuent à se cogner dessus, les chemises partent en lambeaux, les belles vestes blanches sont maculées de sang.
Tout le monde frappe tout le monde et ce qui devait arriver arrive :
-
Joais tché Pépico has cuidado que soy contiguo.
- Qué letché si on peut même plus taper ses copains maintenant ?
-
Que patchora que tienes! ontencion derrière toi !
- Celui là je vais lui
tchaffer le nez.

 

 Là, nous les gamins, nous ne rigolons plus, car les évènements prennent une tournure imprévue, qui dépasse tout ce que nous avions envisagé.
C’est une bataille générale.
Toutes sirènes dehors jaillit un fourgon de la police suivit d’un deuxième puis d’un troisième panier à salade qui déglutissent des policiers la matraque en l’air, ils calment tout ce beau monde et embarquent les plus récalcitrants.
Le calme revient petit à petit, les curieux se dispersent, les balcons se vident.
Le quartier a retrouvé son calme.
Si la Juvaquatre, baignant dans son vin, et la Quatre chevaux, avec ses pneus arrière à plat, n’étaient pas là pour en témoigner, nul ne pourrait penser qu’il s’est passé quelque chose, tout porte à croire que nous sommes dans une oasis de paix.

- Purée dit Bernard, c’est fou ce qui peut arriver quand on nous empêche de jouer aux cartelettes !
Ce qui déclenche un éclat de rire général.

Le lendemain matin, Fuentes défile sur le trottoir comme les légionnaires le 14 juillet, démarche chaloupée et fière, jambe gauche épaule droite,jambe droite épaule gauche, torse bombé, arborant comme une décoration un magnifique oeil au beurre noir et un sourire moqueur en direction des taxis qui font mine de ne pas le voir.
- Bonjour les enfants lance-t-il à la cantonade.
- Bonjour monsieur Fuentes répondons-nous dans un ensemble parfait.
- Vous avez vu la peignée qu’on leur a mis à ces feignants.
- On n’était pas là, on s’amusait au square Cayla répond de sa voix la plus angélique ce falso de Robert.
-Vous avez raté une belle baroufa, j’espère qu’ils ne vont plus jouer à Zorro avec les voitures des autres et surtout ne plus accuser les enfants.
Heureusement que nous sommes assis sur le rebord de la fenêtre de ma concierge, car tant de gentillesse envers nous, nous laisse pantois et nous donne presque des regrets.
C’est sur, maintenant nous en avons la preuve monsieur Fuentes a pris un coup sur la tête.
- Ce pauvre José il a le nez et un bras cassé.
- Le nez et le bras…?
- Le nez pendant la bagarre et le bras à l’hôpital.
- A l’hôpital ?
- Pendant que les docteurs lui soignaient le nez, il s’est débattu et il est tombé du lit, son bras a violemment heurté le carrelage de l’hôpital et n’a pas résisté.
- Et il est plâtré ?
- Le bras complet et sur la figure ils lui ont fait un masque à faire peur…
Et ben ! il n’est pas prêt de retourner chez Primavera !

 

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commentaires

L
Merci René pour ce texte plein de chaleur , éblouissant de vie
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M
Merci Luce bises<br />
S
The writer is very talented with his writing and reading the update here about the art of drawing and the meaning it holds for the readers is good. The striking thing about the author is the sketches he use along with the words to describe the meaning better.
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